Maslow fait trois suppositions sur la nature humaine
* l'homme est un animal dont les
désirs se sont jamais satisfaits
* les besoins non satisfaits
motivent
* les besoins sont arrangés en une
hiérarchie
Pour rappel, les besoins selon Maslow sont les suivants
* besoins physiologiques
(ou de survie). Tout ce que
l'organisme attend pour fonctionner
normalement et qui, en cas de
manque, créée des pathologies
physiques.
* besoins de sécurité
(matérielle, intellectuelle et
relationnelle). Tout ce qui, en cas
de manque, provoque la peur.
* besoins sociaux
(relations avec autrui, appartenance
à un groupe). Tout ce qui, en cas de
manque, provoque un sentiment de
solitude, d'abandon.
* besoins égocentriques
(d'approbation, d'estime d'autrui et
de soi-même, de pouvoir). Tout ce
qui détermine la valeur d'un
individu et qui, en cas de manque,
le qualifie comme perdant.
* besoins de réalisation de soi
(devenir tout ce que l'on peut
devenir).
Selon Maslow, ces besoins ne sont pas tous également présents et puissants au même moment. Ils sont arrangés hiérarchiquement de manière que les besoins supérieurs ne sont pas motivants aussi longtemps que les besoins inférieurs n'ont pas été satisfaits.
Ces propositions semblent intuitivement convaincantes. Cependant on peut faire un certain nombre de constatations et de critiques qui remettent la théorie à sa juste place.
Tout d'abord, la théorie de Maslow n'est pas une réelle théorie, puisqu'elle ne nous dit pas quand ni pourquoi on opte pour un comportement spécifique pour satisfaire tel ou tel besoin (le fait d'avoir soif ne permet pas de dire qu'on va boire de l'eau minérale gazeuse, en bouteille pet de 33cl, de marque Henniez; plutôt qu'une canette de Coca-Cola Zéro).
La théorie ne dit pas non plus à partir de quel moment un besoin est suffisamment satisfait pour qu'on s'en détourne au profit d'un autre. Quand est-ce que j'ai assez mangé pour commencer à me préoccuper de mon besoin de sécurité ? Que fait-on des boulimiques, ou des anorexiques ?
Par ailleurs, quelqu'un qui a faim peut travailler pour pouvoir acheter sa nourriture, il peut aussi voler la nourriture dans un magasin...
Le modèle ne nous dira pas non plus si celui qui a faim et qui accepte de payer pour sa nourriture (laquelle ?), ira faire ses courses chez COOP, chez MIGROS, chez l'épicier du coin...
Ensuite, la satisfaction d'un besoin ne permet pas de dire avec certitude que le comportement qui a mené à cette satisfaction l'avait comme objectif.
Si cela ne suffisait pas, le modèle de Maslow n'est pas applicable universellement. Pour cela, il faudrait que les besoins soient innés et que les solutions soient uniques. Le côté inné peut, à la rigueur, s'appliquer aux besoins primaires, mais pour tous les autres cela est plus que discutable.
Les besoins varient, en fait, avec
* l'âge
Le besoin d'accomplissement
grandit jusqu'à environ 35 ans,
puis décroît. Alors que les besoins
d'affiliation et de pouvoir
continuent de grandir.
* l'avancement dans une carrière
Le besoin de sécurité est souvent
particulièrement développé au
début de la carrière; sauf si des
besoins d'accomplissement ont été
frustrés; dans ce cas le besoin de
sécurité est plus prononcé en fin
de carrière.
* l'appartenance à un groupe social
ou une culture
Les besoin vitaux sont de 1'200
calories/jour au Bengladesh. Aux
USA on y ajoute la TV couleur et la
voiture...
Certains aliments (le
jambon de porc) sont interdits
dans certaines cultures et pas dans
d'autres.
Un autre problème posé par les catégories de Maslow provient de leur définition et des limites entre elles.
Le besoin d'activité est un besoin physiologique ou de réalisation de soi ? Le besoin de justice, est un besoin social ou de sécurité ? Le besoin de savoir, est-il un besoin de sécurité ou de réalisation de soi ?
Et qu'est-ce que la réalisation de soi ? Maslow postule qu'elle comporte le besoin de faire des expériences variées, d'être créatif, d'assumer ses responsabilités et de prendre certains risques. Avec cette définition, on peut se demander s'il s'agit vraiment de la réalisation de soi ou plutôt de la réalisation d'un certain idéal occidental de l'être humain (idéal qui nie, par ailleurs, que l'homme est aussi fait de pulsions négatives...).
On peut aussi se demander si la liste des besoins de Maslow est exhaustive et complète. D'un côté, il semble que la plupart des besoins impliquent des contraires dont Maslow ne parle pas:
sécurité et changement;
affiliation et agression;
indépendance et soumission;
réalisation de soi et négation de soi.
Si Maslow parle de l'ascension de la pyramide, suite à la satisfaction d'un besoin, il ne dit rien d'un renversement de la situation et d'une descente. Est-ce qu'on a plus faim une fois qu'on est en sécurité ?
Par ailleurs, l'idée d'une progression naturelle fait penser à une programmation, comme si l'être humain n'était pas libre de choisir tel ou tel comportement pour telle ou telle raison.
Finalement, ce que Maslow appelle besoins supérieurs, ne sont en fait pas des besoins, mais des motivations. Cette confusion révèle une erreur classique de catégorisation.
Pour toutes ces raisons, je pense qu'il est temps de reléguer la pyramide de Maslow à une place méritée au musée du Marketing.